Résumé
En Février 2022, MindFinance a examiné les théories dominantes et les hypothèses en finance comportementale en utilisant les données de l’indice du CAC 40. En particulier, MindFinance a testé les hypothèses d’aversion au risque, la dépendance du portefeuille optimal aux préférences de risque, et la théorie des perspectives. Les résultats montrent que les investisseurs sont en général enclins à prendre des risques, même en présence de gains et de pertes, et que la valeur du portefeuille optimal influence les préférences de risque. Un modèle alternatif à la théorie des perspectives est proposé, offrant une approche plus flexible et réaliste pour comprendre les comportements financiers des investisseurs.
Introduction
La théorie des attentes rationnelles et l’hypothèse des marchés efficients ne tiennent généralement pas en raison de diverses raisons empiriquement démontrées. Par conséquent, il y a une acceptation croissante des théories alternatives de la finance comportementale. Cette étude contribue à cette littérature en testant les hypothèses fondamentales en finance comportementale et en proposant un modèle alternatif plus flexible que la théorie des perspectives.
Objectif de l’Étude
L’objectif principal de cette étude est de tester empiriquement les hypothèses suivantes :
- L’hypothèse d’aversion au risque.
- La théorie dominante selon laquelle le portefeuille optimal dépend des préférences de risque.
- La théorie des perspectives qui postule que les décideurs préfèrent des résultats certains à des résultats probables.
- L’impact du traitement de l’information par le décideur sur sa prise de décision, appuyé par les dernières recherches de Kusev et al., 2009, 2012, 2016 ; Vlaev et al., 2010 ; Kusev et van Schaik, 2011.
Méthodologie
L’analyse empirique repose sur les données historiques du CAC 40 de janvier 2010 à mars 2020. Les données sont segmentées selon les tendances du marché (haussier, baissier, sommet et creux) ainsi que les jours de rendements positifs et négatifs. Les équations d’estimation dérivées des modèles théoriques sont utilisées pour tester les hypothèses.
Modèle Théorique
Le modèle théorique utilisé dans cette étude inclut un actif risqué ou un portefeuille et un actif sans risque. Le prix de l’actif risqué suit un processus de Brownien, tandis que le prix de l’actif sans risque est déterminé par le taux de rendement sans risque. La fonction de valeur pour maximiser l’utilité espérée de la richesse finale est dérivée, permettant de tester les hypothèses d’aversion au risque et de dépendance des préférences.
Équations d’Estimation Les équations suivantes sont dérivées pour estimer les relations entre les variables :
- Relation entre la valeur du portefeuille et les préférences de risque :𝑝𝑡∗=−𝑐1𝑃+𝜖1pt∗=P−c1+ϵ1
- Mesure des préférences de risque :𝑃=−𝑐2𝑝𝑡∗+𝜖2P=pt∗−c2+ϵ2
- Relation entre les rendements et la volatilité :𝑝𝑡∗=(𝑚𝑡−𝑟𝑡)𝑐3𝜎𝑡2+𝜖3pt∗=c3σt2(mt−rt)+ϵ3
où 𝑝𝑡∗pt∗ est le portefeuille optimal, 𝑃P est la mesure des préférences de risque, 𝑚𝑡mt est le rendement attendu, 𝑟𝑡rt est le taux sans risque, 𝜎𝑡2σt2 est la volatilité, et 𝑐𝑖ci sont des paramètres à estimer.
Résultats
Aversion au Risque
Contrairement à l’hypothèse courante d’aversion au risque, les résultats montrent que les investisseurs sont généralement enclins à prendre des risques. Cette tendance est observée même en présence de gains et de pertes, ce qui contredit la théorie des perspectives.
Exemples :
- Marché Haussier : Durant les périodes de marché haussier, les investisseurs continuent de prendre des risques en investissant dans des actions à haute volatilité, espérant des rendements plus élevés malgré les gains déjà réalisés. Par exemple, un investisseur qui voit ses actions technologiques augmenter de 20% pourrait réinvestir ces gains dans des startups technologiques encore plus risquées.
- Marché Baissier : Même en période de marché baissier, certains investisseurs choisissent d’acheter des actions dont le prix a fortement chuté, pariant sur une reprise éventuelle. Un exemple pourrait être l’achat d’actions de compagnies aériennes après une chute significative due à des crises économiques, en espérant une remontée à long terme.
Portefeuille Optimal et Préférences de Risque
Les résultats indiquent que la valeur du portefeuille optimal détermine les préférences de risque, et non l’inverse, comme le suppose la théorie traditionnelle. Cette découverte remet en question les postulats de la théorie de l’utilité attendue et de la théorie des perspectives.
Exemples :
- Réallocation Dynamique : Un investisseur ayant atteint un certain seuil de richesse peut devenir plus conservateur dans ses choix d’investissement. Par exemple, après avoir accumulé un portefeuille important, l’investisseur pourrait préférer des obligations à faible risque pour préserver son capital.
- Effet de Levier : Un autre exemple est celui d’un investisseur qui utilise l’effet de levier. En cas de succès initial, cet investisseur pourrait être encouragé à prendre des risques encore plus élevés, en utilisant des instruments dérivés pour maximiser les gains potentiels, montrant ainsi que le portefeuille optimal actuel influence ses préférences de risque futures.
Modèle Alternatif
Le modèle proposé est plus flexible que la théorie des perspectives car il ne présuppose pas les valeurs induisant l’aversion ou la prise de risque. De plus, il n’exclut pas les préférences linéaires, offrant une représentation plus réaliste des comportements des investisseurs.
Exemples :
- Diversification Personnalisée : Un investisseur peut choisir de diversifier son portefeuille en fonction de ses objectifs spécifiques et de sa tolérance au risque, sans être contraint par les modèles traditionnels. Par exemple, un investisseur proche de la retraite pourrait choisir un mélange de placements immobiliers stables et de fonds d’actions pour équilibrer sécurité et croissance.
- Réaction aux Conditions de Marché : Un modèle flexible permet aux investisseurs de réagir aux conditions de marché en temps réel. Par exemple, en période de haute volatilité, un investisseur peut ajuster rapidement son portefeuille pour inclure des actifs moins volatils, comme des métaux précieux ou des fonds de marché monétaire, sans être limité par des hypothèses rigides sur les préférences de risque.
Discussion
Les résultats ont des implications significatives pour les gestionnaires de risques et les théoriciens de la finance comportementale. Ils suggèrent que les modèles financiers traditionnels et les théories comportementales comme la théorie des perspectives peuvent ne pas fournir une représentation adéquate des comportements réels des investisseurs. En particulier, l’aversion au risque n’est pas aussi universelle que le suggèrent les théories actuelles, et les préférences des investisseurs sont influencées par la valeur de leur portefeuille.
Les recherches de Kusev, Vlaev et autres remettent en question la théorie des perspectives en soulignant l’influence des émotions, de la perception du risque, des biais cognitifs et de l’expérience passée sur les décisions à risque :
- Influence des émotions
- Les études de Kusev et al. montrent que les émotions jouent un rôle important dans les décisions à risque, au-delà du simple cadrage gain/perte. Par exemple, dans une expérience, les participants devaient prendre des décisions après avoir été exposés à des images émotionnelles positives ou négatives. Les résultats ont révélé que les émotions influencent significativement les choix risqués, indépendamment du cadrage.
- Perception du risque
- Vlaev et al. ont examiné comment la perception subjective du risque affecte les décisions, au-delà des probabilités objectives. Ils ont constaté que les gens ont tendance à surestimer les risques de faible probabilité et à sous-estimer ceux de forte probabilité. Ce biais de perception du risque influence les choix, même quand les probabilités sont clairement énoncées.
- Biais de statu quo
- Kusev et van Schaik ont étudié l’impact du biais de statu quo sur les décisions à risque. Ils ont montré que les gens ont tendance à préférer les options par défaut, même quand elles sont risquées. Ce biais persiste même lorsque le cadrage gain/perte est contrôlé.
- Effet de l’expérience passée
- Les recherches ont également mis en évidence l’influence de l’expérience passée sur les décisions à risque. Par exemple, les gens qui ont vécu des pertes importantes ont tendance à être plus averses au risque, même dans des situations différentes. Cet effet perdure au-delà du simple cadrage gain/perte.
Ces études montrent que les décisions à risque sont influencées par une variété de facteurs psychologiques complexes, tels que les émotions, la perception du risque, les biais cognitifs et l’expérience passée. Cela remet en question la théorie des perspectives qui ne considère que le cadrage gain/perte et les probabilités comme déterminants clés. Une compréhension plus nuancée des processus décisionnels liés au risque nécessite de prendre en compte cette complexité.
Importance des dominances de pensée
Pour démontrer l’importance des émotions dans les décisions à risque, tel que souligné par les études de Kusev et al., nous avons exploré comment les émotions influencent les processus décisionnels en lien avec les dominances de pensée du modèle MindScore. Les études de Kusev et al. mettent en évidence que les émotions jouent un rôle significatif dans les choix à risque, indépendamment du simple cadrage gain/perte. Les émotions peuvent influencer la perception du risque, les préférences et les décisions prises dans des situations risquées.
Le modèle MindScore suggère que les investisseurs ont des dominances cognitives dans les quadrants analytique, organisationnel, interpersonnel et créatif. Ces dominances influencent la façon dont ils traitent l’information, prennent des décisions et gèrent les risques. Par exemple, un investisseur avec une dominance analytique pourrait être plus enclin à évaluer les probabilités de manière objective, tandis qu’une personne avec une dominance créative pourrait être plus sensible aux émotions et aux aspects intuitifs des décisions.
En combinant ces deux perspectives, on peut conclure que les émotions, en interagissant avec les dominances de pensée du modèle MindScore, peuvent jouer un rôle crucial dans les décisions à risque. Une approche intégrée tenant compte des aspects émotionnels et des préférences cognitives permet une prise de décision plus éclairée et équilibrée.
Ainsi, en considérant l’impact des émotions sur les décisions à risque et en les intégrant avec les dominances de pensée du modèle MindScore, il est possible d’adopter une approche plus holistique et complète dans la gestion des risques et des décisions. Cette combinaison peut potentiellement conduire à des choix plus éclairés et adaptés aux situations complexes et incertaines rencontrées dans le domaine financier et au-delà.
Conclusion
Cet article propose une approche alternative pour analyser les comportements financiers des investisseurs, offrant un modèle plus réaliste et flexible que la théorie des perspectives. Les résultats montrent que les investisseurs présentent un comportement de prise de risque plus complexe que celui décrit par les théories traditionnelles. Le modèle alternatif permet de mieux comprendre et prédire ces comportements, soulignant l’importance de réévaluer les hypothèses fondamentales en finance comportementale.
L’intégration des émotions et des dominances de pensée, comme le propose le modèle MindScore, offre une réponse opérationnelle aux critiques formulées par les recherches de Kusev, Vlaev et autres. Cette approche plus nuancée et complète peut améliorer la gestion des risques et des décisions, conduisant à des choix plus éclairés et adaptés aux réalités complexes des marchés financiers.
Références
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